CONFÉRENCE
Par :
Christophe Le Pennec
Florian Meunier
Sébastien Daré
Le crucifix de Gavrinis et Les fouilles menées en 1885 dans le jardin à l’arrière de la maison d’habitation
Crucifix médiéval de Gavrinis, 10e et 12e siècle
© Collection musée d’histoire et d’archéologie de Vannes
Vers 1829, Fortuné Cauzique, alors propriétaire de l’île de Gavrinis, y fait démolir les ruines d’une chapelle pour construire des bâtiments de ferme. Dans les fondations, il découvre alors un crucifix ancien d’époque romane. Publié une première fois en 1849, l’objet se compose d’une croix en cuivre et d’un Christ en bronze. En 1867, Gustave de Closmadeuc, petit-neveu de Monsieur Cauzique devient propriétaire de Gavrinis en 1867 et du crucifix quelques années après. Dans une publication, il présente en détail l’objet, relate son contexte de découverte et évoque la destruction de vestiges anciens et de tombes.
Le « crucifix de Gavrinis » se compose de deux objets différents, réunis et fixés entre eux à une date indéterminée, probablement au Moyen Âge étant donné le contexte historique de l’île. Il s’agit d’une figure du Christ crucifié qui, d’après le type précis de son périzonium (son pagne), peut être situé dans l’Ouest de la France du xiie siècle, ou éventuellement l’Angleterre Plantagenêt. Le bronze fondu devait être doré. La croix d’origine qui le portait a disparu et devait être épaisse et robuste, sans doute sur âme de bois. Quant à la plaque en forme de croix retrouvée, qui devait être dorée, elle est très originale, avec deux faces gravées. Elle se situe davantage dans la tradition de l’art du xie siècle. Elle et été percée ultérieurement d’orifices qui étaient peut-être destinés à accueillir des pierres semi-précieuses (comme du cristal de roche) et qui ont en partie mordu sur l’inscription du titulus : IHESUS NAZARENUS REX IUDEORUM. Chacune de ces deux parties appartenait à un même type d’objet, une petite croix d’autel, visible sur ses deux faces et qui servait essentiellement à la célébration des offices et éventuellement à des processions.
Photographie des tombes découvertes en 1885, par Gustave de Closmadeuc
© Archives de la Société polymathique du Morbihan
Les fouilles menées en 1885 dans le jardin à l’arrière de la maison d’habitation, ont mis au jour plusieurs murs et cinq tombes en coffre. L’une de ces dernières se distingue par son plan cruciforme et la présence de trois vases à encens, percés de trous pour laisser échapper les fumerolles. Un quatrième vase funéraire a été trouvé près de la tête d’une des autres sépultures. Les céramiques sont datables du courant du XIIe à la première moitié du XIIIe siècle. Les tombes sont associées à un lieu de culte, matérialisé par les murs découverts, et qui a connu au moins deux phases de construction. Ce bâtiment est-il lié à un prieuré ? C’est une des hypothèses qui doit être confirmée par l’analyse approfondie des sources historiques relatives à l’île de Gavrinis et à cette partie du golfe du Morbihan.
Dessins des trois tombes principales avec les vases funéraires
Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, 1885.
Après le décès de Gustave de Closmadeuc en 1918, sa famille donne les quatre vases funéraires au musée archéologique de la Société polymathique du Morbihan, avec de très nombreuses autres collections. Le crucifix de Gavrinis est classé au titre des monuments historiques en 1949. Malgré plusieurs successions, l’objet demeure dans la même famille durant tout le 20e siècle et le suivant. En 2023, son propriétaire accepte de faire un don manuel et le crucifix intègre le musée d’histoire et d’archéologie de Vannes, où il rejoint l’exceptionnelle collection muséale de la SPM, également cédée à la ville en 2019.
Les quatre vases funéraires de Gavrinis, dont trois transformés en vases à encens
© Collection musée d’histoire et d’archéologie de Vannes, ancien fonds SPM
Auteurs
Christophe Le Pennec, Responsable scientifique des collections, Musée d’histoire et d’archéologie de Vannes
Florian Meunier, Conservateur en chef du patrimoine, Musée du Louvre, département des Objets d’art
Sébastien Daré, Archéologue, Centre d’Etudes et de Recherches Archéologiques du Morbihan (CERAM)