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Chanter le crime au village

CONFÉRENCE

Chanter le crime au village
La gwerz de Mari Tammdu
Par Olivier Le Dour

Marie Harnay (1902 – 1992) chanteuse du pays Pourlay.Issue d’une famille de sabotiers, travaillant à la ferme, bergère et employée de maison, elle était très souvent sollicitée pour servir le repas aux mariages ou lors des grandes soirées, et ses talents de chanteuse étaient reconnus de tous.

Le 9 janvier 1881, jour d’élections municipales, une vieille rentière, fille de chouan, est retrouvée morte dans sa gentilhommière du bourg de Langonnet.

Les autorités concluent rapidement à une mort naturelle, mais des rumeurs et des faits troublants conduisent le juge de paix à ouvrir une enquête.

Cette sordide affaire, le meurtre d’une vieille femme pour lui voler ses économies, secoue considérablement la localité à la fin du XIXe siècle. Sur fonds de toute-puissance de l’église catholique, d’alcoolisme, de jalousies et de solidarités villageoises, d’omerta également, l’affaire est vite élucidée et les trois coupables condamnés aux travaux forcés à perpétuité.

Alors que se perd peu à peu le souvenir des faits précis, l’affaire entre dans la mémoire collective -une mémoire collective qui élague, transforme- et se cristallise dans une complainte en langue bretonne, une gwerz qui respecte les codes des complaintes criminelles plus anciennes de Basse-Bretagne, mais que parasitent des modes de pensées en vigueur au tournant du siècle. Cette « Gwerz de Mari Tammdu » encore chantée en Cornouaille morbihannaise dans les années 1980, incrimine bien plus que de raison l’une des protagonistes, «Mari Tammdu», en particulier parce qu’elle est une femme et, qui plus est, étrangère au village. Et sur cette complainte a longtemps pesé un tabou même plus d’un siècle après les faits.

Auteur

Olivier Le Dour, « La gwertz de Mari Tammdu ».