Les soixante années qui encadrent la réunion définitive de la Bretagne à la France sont loin d’être l’«ère de tranquillité, de calme et de quasi immobilité» décrite par Barthélemy Pocquet. Durant les guerres épisodiques qui opposent alors la France à l’Angleterre et à l’Empire, certains situent même le duché « très loin des enjeux stratégiques ». Les historiens, focalisés sur les événements qui se déroulent en Picardie et en Italie, ont négligé la guerre qui se jouait aussi du côté du Ponant, en particulier durant l’affaire écossaise. La Bretagne joue pourtant un rôle essentiel au dispositif militaire, naval, économique et diplomatique mis en œuvre par la France. Elle subit, au long de la période, de nombreuses attaques préventives ou en représailles, navales et terrestres. Les opérations entraînent sur ses côtes des réquisitions d’hommes et de navires, en ses havres d’imposantes concentrations navales ; sur ses rivages et par ses chemins l’afflux massif de troupes d’embarquement ; et sur mer les arraisonnements de navires et les exactions de corsaires. L’analyse du rôle joué par la Bretagne dans la mise en œuvre de la politique étrangère française durant ce long demi-siècle questionne aussi d’autre façon la mutation qui s’accomplit parallèlement de ce duché souverain en province du royaume.
Auteur
Hervé LE GOFF
Ancien professeur de lettres modernes puis chargé de cours à l’Université catholique de l’Ouest